« Chez nous on n’a pas de problème ».
Les managers, quel que soit leur genre, se seraient-ils passé le mot du politiquement correct ? Et auraient-ils passé le mot à leurs collaborateurs ? Il semblerait que cela soit fort peu probable mais tous, pourtant, reprennent en cœur : « Chez nous on n’a pas de problème. »
Quel étonnement, pourtant, lorsqu’ils découvrent les chiffres de l’égalité professionnelle au sein de leur entreprise !
D’un côté donc, des chiffres, qui mettent en avant des écarts de salaires, des freins à la progression des femmes vers les plus hautes sphères des organisations, etc. et de l’autre cette impression persistante du quotidien – et cela compte tout de même ! – : « Chez nous, on n’a pas de problème ». On se retrouve tout-à-coup face à deux états de fait, manifestement antagonistes mais qui n’en restent pas moins deux vérités que l’on reconnait comme telles… Nous voilà bien embêté(e)s !
Un silence s’installe donc… une voix s’élève dans l’assistance, elle-même peu convaincue : « C’est le secteur qui veut ça ». Mouais. Autre tentative, une voix de femme cette fois : « Et si ça venait de nous ? » Soupirs de soulagement dans la salle de formation : mais oui, bien sûr, cela vient des femmes !
« Que voulez-vous dire par là ?
– Eh bien déjà, il faudrait qu’on balaie devant notre porte. »
Certaines images sont savoureuses ! Tout ceci n’a pourtant rien d’anecdotique : cette réflexion, je l’ai bien souvent entendue dans la bouche de femmes DRH ou managers.
J’aurais bien envie d’y voir là le signe de la culpabilité qui nous caractérise et de l’auto-flagellation que nous maîtrisons si bien. En tant que femme et créatrice d’entreprise, j’ai néanmoins tendance à donner raison à mes client(e)s DRH et aux managers que je suis amenée à accompagner et je rappellerai ici un beau mot d’Etienne de La Boétie, qui me semble tout-à-fait à propos : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. » (in Discours de la servitude volontaire)
Partons donc de ce principe et posons-nous la question suivante : que pourrait faire chaque femme, déjà, à son niveau ?
En vrac, elle pourrait penser à :
– Arrêter de culpabiliser parce que son enfant est malade et quelle ne s’en occupe pas personnellement : son compagnon, la nounou ou sa belle-maman s’en charge, pas de panique.
– Passer un peu plus de temps à travailler son réseau, se faire connaître pour que, le jour où on pense à elle pour un poste ou un projet, s’assurer que son N+1 mais aussi deux ou trois autres personnes puissent dire tout le bien qu’ils pensent d’elle.
– Cesser de penser que son travail parlera pour elle, aussi bon soit-il et oser mettre en avant ses résultats ou demander augmentation et promotion : ce n’est pas le signe de dents qui rayent le plancher, c’est normal.
– Etre solidaire, tout simplement, des autres femmes : ce n’est pas parce que l’une a réussi à la force de son poignet musclé qu’il ne faut pas mettre en place des modes relationnels privilégiés avec nos congénères et savoir se donner un coup de pouce, entre femmes.
Bien sûr, une fois qu’on a dit cela, on n’a pas forcément très concrètement avancé sur la question. Alors, comment, en tant que DRH ou manager, aider les femmes de votre entreprise à sortir du bois et à « balayer devant leur porte » ?
Il me semble avant tout important de sensibiliser les managers aux difficultés, pour une femme, de mener sa barque professionnelle du fait des stéréotypes dans lesquels nous baignons toutes et tous depuis notre plus jeune âge (si bébé-fille donne des coups de pied dans le ventre de sa maman, cela veut rarement dire qu’elle sera footballeuse). La femme – qui a bien souvent parfaitement intégré ces stéréotypes – aura tendance à l’autocensure dans la gestion de sa carrière et c’est déjà un premier pas que de lui permettre de s’en rendre compte. Notons au passage que la sensibilisation des hommes à ce sujet est tout aussi importante : ils gèrent des femmes et mieux les comprendre c’est aussi être en capacité de mieux les accompagner.
D’autres actions peuvent être mises en place, comme la création et l’animation de groupes de travail sur le sujet, uniquement féminins, afin que l’expérience des une enrichisse celle des autres. Je conseillerais pour ma part des groupes de travail mixtes pour qu’une pédagogie commune se mette en place : un changement culturel dans l’entreprise c’est, bien sûr, l’affaire de tous et en termes d’égalité professionnelle entre femmes et hommes, il ne s’agit pas de déshabiller Pierre pour habiller Paulette mais de voir comment vêtir tout le monde et de la meilleure façon.
Une fois tout ceci fait, l’égalité professionnelle sera-t-elle pour autant assurée ? Rien n’est moins sûr, bien évidemment ! Nous parlons de faire bouger des systèmes humains et chacun des éléments en présence doit donc faire son bout de chemin.
Nous nous retrouverons donc lors de prochains billets pour partager nos réflexions et les bonnes pratiques du marché sur le sujet… D’ici là, vos commentaires sont les bienvenus !